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Infos & actualité

Photo du rédacteurThomas TARRADAS

Exploration, Exploitation et Migration

Dernière mise à jour : 28 mars 2023

James March, économiste et sociologue, dans un article intitulé « Exploration and Exploitation in organizational learning » (1991) dit la chose suivante :

« Une préoccupation centrale des études sur les processus adaptatifs est la relation entre l’exploration de nouvelles possibilités et l’exploitation d’anciennes certitudes. L’exploration englobe des notions telles que la recherche, la variation, la prise de risque, l’expérimentation, le jeu, la flexibilité, la découverte, l’innovation. L’exploitation comprend des choses telles que l’amélioration, le choix, la production, l’efficacité, la sélection, la mise en œuvre, l’exécution ».

Et il ajoute :

« Le maintien d’un équilibre approprié entre l’exploration et l’exploitation est un facteur primordial pour la survie et la prospérité des systèmes ».

Dans nos environnements le va-et-vient est permanent entre les deux, l’adaptation requière de l’agilité : se positionner rapidement stratégiquement, adopter la bonne organisation, choisir des méthodes de travail et des comportements adaptés en fonction de son environnement.


Beaucoup de managers fraichement formés à une approche agile pour répondre à ce besoin, nous avouent qu’il faut tout faire dorénavant avec une méthode agile pour rester dans les bonnes grâces de leurs dirigeants. Ça y est, le « agile washing » est en marche. On suit deux demi-journées de formation et on affiche sur le mur un Kanban et on est devenu agile !


Cette situation déséquilibre tellement l’organisation que beaucoup se sentent perdus. Les relations se tendent, les équipes ne se comprennent plus. Le repli sur soi augmente. Les équipes développent de la cohésion mais contre les autres, tous ceux qui ne fonctionneraient pas comme elles deviennent des opposants. Chacun finit par faire ce qu’il veut et les décisions se prennent sans concertation et par jeux de pouvoir. A vouloir devenir plus agile, on a généré de l’agitation.


L’enjeu : « exploration » et « exploitation » vs méthodes agiles


Analyser les termes « Exploration » et « Exploitation » puis les traduire en approches méthodologiques peut nous aider à trouver comment améliorer les coopérations dans les équipes.


Aujourd’hui, la tendance est à l’approche Scrum et à ses déclinaisons, idéale pour répondre à des approches exploratoires reposant sur des itérations de tests de création de valeur et sur l’incrémentation par l’apprentissage et l’amélioration. Et soyons clair, il est vrai que beaucoup d’entreprises ont besoin de ces approches.


On voit aussi le recours aux approches dites de « DevOps », combinaison des mots « Développement » et « Opération ». C’est très intéressant quand vous avez une combinaison entre de l’exploration et de l’exploitation. Par exemple, lorsque vous devez faire évoluer une infrastructure physique qu’il faut maintenir en fonctionnement en permanence (exploitation) avec de la supervision digitale (qui se prête à l’exploration).


Pour l’exploitation pure, nous privilégions des méthodologies issues des approches « Lean ». Pensez aux approches manufacturières dans l’automobile si vous ne connaissez pas. On va alors se centrer sur ce qui a de la valeur, éradiquer les points aberrants, standardiser, tester, fiabiliser, etc…pour gagner en productivité.


Un troisième mode d’adaptation : la migration


Inspirés par les travaux de James March, nous avons cherché à nommer un troisième mode d’adaptation des entreprises né de l’avènement d’internet, de la digitalisation et de la transformation numérique qui ne s’inscrit pas dans « Exploration et Exploitation ».


Ce troisième mode d'adaptation, que nous nommons « Migration », touche essentiellement les évolutions longues, lentes, transverses à toute l’organisation et nécessite souvent d’appréhender des évolutions culturelles dans un environnement assez chaotique.


Par exemple, nous lisons régulièrement des témoignages sur le besoin d’embarquer toute l’organisation dans une nouvelle approche du business avec une nouvelle éthique, prenant en compte la RSE, la RGPD, etc…

« Il faut faire péter les silos de l’organisation ! »

Disait en ces termes une directrice générale d’une très grande société. Elle témoigne ainsi de la difficulté de ces approches transverses, indispensables mais néanmoins complexes à réaliser.


Comment appréhender une évolution culturelle ou des projets de grande ampleur qui touchent une très grande partie de l’organisation dans un environnement évolutif, voire turbulent ? Comment s’adapter et être agile au niveau de l’organisation ?


Les managers ont conscience qu’ils doivent passer dans un mode plus exploratoire mais l’ensemble des activités ne peuvent être gérées ainsi. Tous les modes d’adaptation Exploration, Exploitation et Migration sont présents pour répondre aux multiples business model de l'entreprise et doivent être traités en même temps. Les adaptations du système se font par phénomène homéostatiques de déséquilibre, de régulation et de rééquilibre.


Pour les dirigeants et managers, les principales questions sont :

Comment trouver le bon déséquilibre ? Comment faire les bons choix de gouvernance ? Quels principes organisationnels mettre en place ? comment s'assurer de la convergence des objectifs ? Quel rythme adopter ? Comment interagir dans un système imbriqué, hybride ?


Faire cohabiter les différents modes d’adaptation


Attention, gouverner dans un mode ou dans un autre est bien différent !


Un exemple pour clarifier mon propos.


A la question : « Les décisions doivent-elles être prises par les gens du terrain ou par une instance plus centrale ? », en système exploratoire, nous dirions évidemment : « sur le terrain », pour tester, observer, agir et réagir avec vitesse et intelligence de situation. En régime d’exploitation, nous dirions « par des experts (lead techniques) rattachés à des services spécialisés » et en mode migratoire nous dirions « de façon plus centralisée puisque cela touche toute l’organisation et qu’il faut synchroniser les activités, les métiers et les moyens ».


Nous sommes bien là dans une approche contingente de la prise de décision. Combien parmi nous ont vécu une situation où tous les acteurs sur le terrain foncent pour répondre à une démarche qui se veut exploratoire puis doivent attendre plusieurs jours ou semaines que les managers se réunissent pour valider, trop tard, des prises de position que les collaborateurs auraient pu prendre avec une plus grande autonomie et une plus grande efficacité bien plus tôt !


Naviguer entre exploration, exploitation et migration demande aux personnes en charge des transformations dans l’entreprise de connaitre les dynamiques de chacune de ces approches pour les faire cohabiter. Cette compréhension des contextes et la connaissance des approches méthodologiques associées est une compétence indispensable au développement de coopérations de qualité dans les équipes et une clé de survie pour bon nombre d’entreprises.




Thomas Tarradas – OptimHommes

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